Sur la colline de Chaillot, huit cent ans d’architecture dans un ensemble unique au monde.

JPEGUn voyage à travers huit cents ans d’architecture, depuis les églises romanes du XIIème siècle jusqu’aux tours futuristes du XXIème qui s’élancent toujours plus haut vers le ciel : c’est la fascinante « promenade » offerte aux visiteurs du musée des Monuments français qui vient de rouvrir ses portes sur la colline de Chaillot, après cinq ans de travaux et treize ans de gestation mouvementée. C’est l’étape d’achèvement de la Cité de l’Architecture et du patrimoine, un ensemble de 23.000 m² unique au monde, à la fois musée, lieu de recherche et de formation, inauguré par le président de la République en présence de la fine fleur de l’architecture mondiale conviée à Paris.

Sa mission est de sensibiliser le grand public à l’architecture du présent comme du passé, mais aussi de promouvoir une meilleure compréhension des problèmes de la ville, de l’environnement, du paysage, de l’habitat et de la qualité de vie : des sujets qui sont au cœur des préoccupations des Français. D’emblée, la cérémonie d’inauguration a été pour le président Nicolas Sarkozy l’occasion d’affirmer, dans la Galerie des moulages du musée superbement rénovée, sa volonté de « donner le goût de l’audace à l’architecture », soulignant au passage que « la culture ce n’est pas un supplément d’âme, c’est l’âme même de la civilisation ».

« Attirer par le patrimoine et donner la curiosité pour le contemporain », c’est ainsi que le président de la Cité, François de Mazières, définit l’objectif de ce majestueux ensemble qui réunit, face à la Tour Eiffel, trois institutions distinctes : le musée des Monuments français, successeur du musée de Sculpture comparée crée en 1882 sous l’impulsion de Viollet-le-Duc ; l’Institut français d’architecture (IFA) axé sur l’architecture contemporaine, crée en 1980 pour « promouvoir le débat architectural et critique » et « faire entrer l’architecture dans le champ culturel des Français », et l’Ecole de Chaillot qui forme les spécialistes de l’architecture et du patrimoine. Le tout est désormais installé dans l’aile est du palais de Chaillot, construite par Gabriel Davioud pour l’exposition universelle de 1878, rénovée et agrandie par Jacques Carlu pour celle de 1937, et qui vient d’être spectaculairement restaurée et réaménagée par l’architecte Jean-François Bodin, pour un coût total de 80 millions d’euros.

L’entrée dans la Galerie des moulages du musée, installée au rez-de-chaussée dans les deux grandes galeries Davioud et Carlu, sous une verrière à éclairage zénithal rendue à la lumière et des poutres métalliques à nouveau apparentes, procure un choc immédiat. Là commence, avec le portail roman de l’abbatiale Saint-Pierre de Moissac, la « promenade » à travers 800 ans d’architecture française, illustrée par 350 moulages – couleur pierre et grandeur nature – des portails, tympans, linteaux, statues, chapiteaux des églises et cathédrales romanes et gothiques, ainsi que de bâtiments civils, opéras ou fontaines, le tout complété par 60 maquettes d’architecture et de charpentes. Un astucieux dispositif pédagogique, facilité par l’utilisation de la vidéo et du multimédia, jalonne le parcours.

De salle en salle, on comprend aisément la valeur patrimoniale de toutes ces copies, face aux détériorations causées aux originaux par l’usure et l’effritement des pierres dus aux eaux pluviales et à la pollution, ou subies durant des conflits armés : ainsi le célèbre « Ange au sourire » de Reims a pu retrouver sa tête en façade de la cathédrale, détruite en septembre 1914, grâce au moulage du musée réalisé en 1881 qui a permis d’en faire une copie sculptée.

Au premier étage du palais de Chaillot, où l’on accède par un escalier nouvellement construit, se trouve la grande nouveauté de la Cité : la Galerie d’architecture moderne et contemporaine (1851-2001), conçue comme une initiation à l’architecture destinée au grand public et portant sur le thème général de « l’architecture et la ville » avec trois mots clés : densité, urbanité, mobilité. Maquettes, dessins numérisés montrant les différents stades de la réalisation d’un projet, plans, films d’époque, sont exposés ou projetés autour de onze tables thématiques traitant de sujets tels que « Une cité industrielle », « Concevoir et bâtir », « Lieux de sports et de loisirs », « Façades », « la Culture » ou « L’habitat ». Grande vedette de cette galerie : la reconstitution grandeur nature de l’appartement type de la Cité radieuse de Marseille conçue par le Corbusier. Elle a été réalisée par les élèves de 17 lycées techniques et professionnels d’Ile-de-France formés aux différents métiers du bâtiment et c’est un vrai succès.

Autre merveille, héritée celle-là de l’ancien musée, la Galerie des peintures murales et des vitraux. Une nouvelle scénographie et une subtile mise en lumière ont redoublé l’enchantement que procure le parcours de la collection, unique en Europe, de copies sur toile des fresques romanes, gothiques et Renaissance des églises et monuments de France, du XIIème au XVIème siècles. Réparties sur trois niveaux, enrobées de mystère dans la pénombre, les 90 toiles sélectionnées pour la nouvelle Cité ont toutes été déposées, traitées (un insecte mangeur de colle les avait attaquées…), restaurées et reposées.

Un élément spectaculaire (et très aimé du public) de cette collection, la copie des fresques bibliques de la voûte de Saint-Savin-sur-Gartempe (centre de la France), souvent appelée « la Sixtine romane », a eu droit à un traitement digne de lui : sorti du parcours muséographique, il sert désormais de plafond à la salle de lecture de la bibliothèque. La Cité possède déjà la bibliothèque d’architecture moderne et contemporaine la plus riche d’Europe avec, à l’ouverture, 25.000 documents pour consultation sur place. Sa capacité à terme est de 45.000 livres.

L’Ecole de Chaillot, dont l’origine remonte à 1887, est désormais investie d’une mission de formation qui est au cœur de l’action de la Cité, avec un grand nombre d’activités pédagogiques et culturelles destinées à tous les publics, jeunes et adultes, au-delà du cercle des spécialistes. Elle continue à former les architectes du patrimoine, accueillant de nombreux élèves étrangers et coopérant avec des pays comme la Syrie, la Bulgarie, la Chine ou l’Inde. Mais c’est la première fois qu’un musée propose des cours publics d’architecture ouverts à tous, appuyés sur un riche programme d’expositions. Sa première exposition d’architecture à caractère patrimonial, qui vient de s’ouvrir, rend hommage à Vauban, « Bâtisseur du Roi-Soleil » (Louis XIV), considéré, avec ses fortifications frontalières, comme le plus grand ingénieur militaire français.

Claudine Canetti

Site Internet :
www.citechaillot.fr

Dernière modification : 23/05/2008

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